Mieux connaître le Nerprun

Qu’est-ce qu’une plante « envahissante »?

Le problème de l’envahissement des régions naturelles de l’Amérique du Nord par certaines plantes, en particulier par des espèces d’origine Eurasienne, remonte au début de la colonisation par les Européens. Depuis ce temps, un nombre croissant de plantes est devenu problématique, perturbant la composition, la structure et les fonctions des écosystèmes et menaçant ainsi notre faune et flore indigène. Au Canada, comme ailleurs, cette situation se fait sentir plus particulièrement dans les régions les plus altérées par l’activité humaine, mais affecte aussi nos milieux naturels.

Le nerprun:

Le nerprun cathartique (Rhamnus cathartica) tout comme le nerprun bourdaine (Rhamnus frangula) sont considérés comme des plantes étrangères très envahissantes en Amérique du Nord. De véritables « prédateurs végétaux » dont la densité des peuplements perturbe la régénération naturelle de nos espèces indigènes, mettant ainsi en péril plusieurs de nos écosystèmes.

En Europe, le Rhamnus cathartica et le Rhamnus frangula ne sont pas considérées comme des espèces « nuisibles » bien qu’elles soient reconnues comme pouvant être envahissantes. En effet, on trouve outre-Atlantique des insectes, des parasites, ainsi que des champignons qui s’attaquent aux Rhamnus et participent naturellement au contrôle de ces espèces.

Comment le nerprun est-il arrivé en Amérique?

Le nerprun cathartique (Rhamnus cathartica) communément appelé nerprun commun, nerprun purgatif, et par les anglophones common buckthorn, european buckthorn est originaire d’Eurasie tout comme le nerprun bourdaine (Rhamnus frangula) qui lui aussi se fait appeler de multiples manières : nerprun noir, bourdaine, Aulne noir… et en anglais : glossy buckthorn, fernleaf buckthorn et alder buckthorn. Le nerprun bourdaine est également appelé arbre à poudre : ce nom provient du charbon de bois que l’on produisait à l’aide de cette plante, et qui, une fois réduit en poudre, entrait dans la composition de la poudre à canon.

Ils furent introduits d’Europe essentiellement pour un usage horticole et médicinal. Tous deux se naturalisèrent à l’aide d’oiseaux qui dispersèrent leurs semences hors de leur aire de plantation. Ils devinrent envahissants pour plusieurs écosystèmes, tant Canadien qu’États-uniens, en supplantant nos espèces indigènes grâce:

●       À leur facilité à s’adapter à plusieurs types de milieux;

●       À l’ombre épaisse que répandent leur feuillage;

●       À leur fort taux de germination;

●       À leur allélopathie;

●       À l’absence de prédateurs et de parasites;

On trouve les nerpruns dans divers types de milieux secs ou humides dont les forêts, les lisières de boisés, le long de clôtures, les prairies, les fossés et les champs abandonnés.

Comment le nerprun se propage-t-il?

Les fruits des nerpruns tant bourdaine que cathartique sont consommés par plusieurs espèces d’oiseaux qui de ce fait en font la propagation. Nous n’avons qu’à penser aux zones agricoles où les nerpruns sont souvent retrouvés en bordure de champ, et qui dit champ, dit clôture. Les clôtures, dans ces milieux ouverts, deviennent les perchoirs désignés des oiseaux, qui en déféquant, sèment du même coup les semences des nerpruns.

La même chose se produit en bordure des routes et dans les fossés, car les oiseaux utilisent cette fois les hautes herbes de ces endroits non entretenus comme perchoir. Parmi les oiseaux participant à la propagation du nerprun, on retrouve: les étourneaux, les grives, les moqueurs, les jaseurs, les gélinottes et même les pics. Les fruits des nerpruns restent dans l’arbuste une partie de l’hiver, au moment où les autres sources de nourriture pour les oiseaux se raréfient, ce qui favorise sa dissémination.

Pourquoi doit-on agir?

La propagation du nerprun cathartique ainsi que du bourdaine est, au fil du temps, en train de devenir une problématique nationale pour nos aires protégées. Il faut savoir que plus la population de nerprun augmente et plus sa propagation par les oiseaux sera grande. De plus, la substance allélopathique produite par le nerprun affecte le développement embryonnaire des amphibiens à métamorphose rapide lorsque celle-ci entre en contact avec de l’eau des mares temporaires. La valeur des milieux naturels envahis se trouve amoindrie et les animaux en désespoir de trouver autre chose finissent par consommer du nerprun ce qui les rend malade.  Lorsque consommée par les mammifères, les baies agissent comme une drogue provoquant chez certains animaux (comme le cerf) des comportements étranges voir même addictifs.

L’éradication de ces deux arbustes envahissants ne peut se faire sans la participation de l’ensemble des acteurs de la société. Il devient donc primordial d’entamer un processus de conscientisation et d’implanter des politiques de contrôle de ces espèces envahissantes. Il est maintenant impératif d’agir! Les solutions devront être fédérales, provinciales, municipales, agricoles ainsi qu’individuelles.

Comment lutter contre ces deux espèces?

On caractérise les méthodes en deux classes distinctes:

  • Les techniques d’éradication, entraînant la mort de l’arbuste à court terme
  • Les techniques de contrôle, pouvant engendrer la mort d’un sujet à moyen ou à long terme à la suite de traitements répétés ou par la circonscription  des talles de nerpruns afin d’éviter la propagation à d’autres milieux.

La meilleure méthode étant d’éviter de planter et de propager le nerprun!

Les méthodes de contrôle:

  • Le brûlage au chalumeau ou dirigé
  • Le traitement à l’eau salée des très jeunes plants
  • Le recouvrement de souches coupées par une pellicule plastique (bloquant la lumière et du même coup le drageonnement).
  • Le retrait de plant femelle chez Rhamnus cathartica
  • L’application d’herbicide foliaire

Certaines méthodes de contrôle ont peu d’efficacité et demandent un traitement répété. De plus, certaines méthodes représentent un risque pour l’environnement et doivent être utilisées avec précaution.

Les méthodes d’éradication:

  • La coupe et l’essouchage manuel ou mécanique des gros sujets additionnés à l’arrachage manuel ou mécanique des jeunes sujets au sol.
  • Le recouvrement des souches est aussi un moyen efficace d’éradication mais doit se réaliser loin de la vue des citoyens car ceux-ci ont tendance à arracher le recouvrement en pensant bien faire.
  • L’utilisation d’herbicide systémique sur les souches ou sur une blessure faite à la base du tronc afin d’éliminer certains gros sujets, ne pouvant être arrachés manuellement. À n’utiliser que lorsque la loi permet leur emploi dans des conditions idéales, loin de cours d’eau et lors de canicule prolongée (au milieu d’une période de 6 à 8 jours sans pluie).
  • L’application d’un champignon (Chondrostereum purpureum) sur les souches fraîchement coupées donnerait de bons résultats par contre la conservation du produit représente un défi.
  • Le cerclage à très peu d’effet sur la plante au point qu’il vaut mieux ne pas utiliser cette technique car vous aurez rapidement l’impression d’avoir perdu votre temps.
  • Parfois, il faudra aussi laisser des nerpruns mâles adultes dans le milieu pour réduire les impacts des travaux sur la faune, alors il est préférable de retirer seulement les sujets femelles.

Précisons que la majorité des outils spécialisés pour arracher le Nerprun, vendu pour effectuer cette tâche, sont peu utilisables dans les grandes forêts ou les milieux denses. Il est donc préférable d’utiliser des outils plus versatiles et surtout plus légers. De plus, certaines méthodes représentent un risque pour l’environnement et doivent être utilisées avec précaution.

Le moyen de lutte choisi doit être adapté au milieu traité. Dans le même boisé plusieurs techniques peuvent être utilisées selon la composition et les caractéristiques du milieu. On doit prendre en considération le type de sol. Si l’on est dans une aire protégée (un parc nature, une zone marécageuse, un milieu forestier) ou si l’on est à proximité d’un cours d’eau, d’une prise d’eau municipale, d’une production agricole, d’un champ, d’une école ou d’une garderie. De plus, l’accessibilité au site doit aussi être prise en considération. En tout temps, des mesures d’encadrement phytosanitaire doivent être prises afin d’éviter la dispersion dans d’autres milieux. L’ensemble des interventions doit se faire dans le respect des lois et règlements et dans le respect des habitats.

Suivis ou veilles sanitaires

À la suite d’opérations de contrôle du nerprun et afin de vous débarrasser complètement de l’envahisseur, vous devrez prévoir minimalement 10 ans de suivis répétitifs des zones contrôlées ou éradiquées afin de retirer tous les sujets provenant de la banque de graines. Ces opérations doivent se réaliser avant l’atteinte de leur maturité.

Ces veilles sanitaires sont essentielles à la réussite de tout projet de contrôle du nerprun car les graines présentes dans le sol sont viables pendant une dizaine d’années.

Précisons qu’en aucun cas le travail de contrôle et d’éradication doit être effectué par des novices ou des bénévoles car il arrive souvent que ceux-ci confondent les jeunes plants de nerprun avec des essences indigènes. Notre expérience avec le nerprun, nous a souvent mené à réparer les dommages causés par des tentatives de contrôle ou d’éradication, effectuées par des personnes bien intentionnées, qui avaient mal virés.  Alors, avant de vous lancer dans cette aventure contactez-nous!

Nous pouvons vous former ou vous aider dans la réussite de votre projet!

Comment identifier le nerprun cathartique?

Cet arbuste, de 3 à 8 mètres de hauteur adulte, à la ramification opposée, est pourvu de piquants épars sur ses rameaux longs. Son port est buissonnant, compact et très dense. Il émet des rejets de souche. Son écorce est d’un brun noirâtre et lisse sur les jeunes sujets. Sur les vieux sujets l’écorce est presque noire, et en se desquamant laisse apparaître du brun orangé. En grattant légèrement la tige, on peut aussi apercevoir cette couleur orangée qui est un bon critère d’identification par rapport à des espèces ressemblantes comme les prunus.

Ses bourgeons sont écailleux, d’un brun violacé parfois pubescent. Son feuillage est caduc, vert foncé, luisant. Le revers de la feuille est plus pâle et vire au jaune. Ses feuilles sont opposées, ovales à elliptiques, sa pointe acuminée est parfois recourbée. La feuille mesure environ 6 cm, à la marge finement dentée et comporte 3-5 paires de nervures latérales convergentes. La floraison de l’arbuste s’étire de la fin du printemps jusqu’au début de l’été (mai-juin). Les petites grappes axillaires de fleurs verdâtres (4-5 mm) unisexuées apétales au calice à 4 lobes sont très parfumées. La fructification des plants femelles se fait à l’automne sous forme de petites drupes de plus ou moins 10 mm, de couleur verte virant au noir à maturité. Toxique pour les mammifères (diurétique-purgatif puissant) mais ne semble pas affecter les oiseaux. La drupe contient, habituellement, 4 petits noyaux. Les fruits persistent une partie de l’hiver.

Comment identifier le nerprun bourdaine ?


Cet arbuste, de 3-6 mètres au port buissonnant, est évasé. Sa ramification horizontale et alterne est souple. Son écorce brun grisâtre est pourvue de multiples lenticelles plus claires. Le feuillage caduc du Rhamnus frangula est vert foncé, brillant sur le dessus, au revers mat plus clair, avec des nervures parallèles et saillantes. On peut facilement le confondre avec plusieurs espèces de cerisiers car son port, ses feuilles et ses fruits – quand ils sont rouges – sont similaires. Ses feuilles simples et alternes, à marge lisse, sont ovales à elliptique et deviennent rouges à l’automne. Elles sont pourvues d’un court pétiole. Les bourgeons du nerprun bourdaine sont recouverts de poils bruns. Sa floraison, insignifiante, se produit à la fin du printemps donnant des fleurs hermaphrodites, apétales, dans un calice à 5 lobes. Elles sont vertes blanchâtres. Les petites drupes vertes de 10 mm font leur apparition et deviendront progressivement noires en passant entre temps par le rouge. Elles persistent une bonne partie de l’hiver sur l’arbuste.

En terminant, on nous appelle de partout au Canada afin de connaître les meilleures méthodes pour contrôler cet envahisseur, alors ne vous gênez pas pour nous appeler. Il nous fait toujours plaisir de vous aider.